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L'histoire de l'occupation du Sol par les Bassa'a, les bakoko et les Bombédi (ou Dwala) dans la ville de Douala 

Par Mardochée Ekwe 

Brièvement, lorsque que les bassa en venant du Nkam sous la conduite du patriarche Nsa’a se retrouvent à l’embouchure du fleuve Wouri, les éléments de ce groupe vont dans un premier temps occuper les trois plateaux de la rive gauche, connus à l'époque sous les noms plateau Ndogbakalack (Joss) ; plateau Bonaku-Ndonga (Bonaku) et enfin le plateau Ndogbaken (deido/Akwa-Nord) qui partait de l’embouchure de la rivière Mboppi jusqu’à la rivière Banya.

Le plateau le plus en aval (joss), occupé par deux familles, avaient pour chefs de files le patriarche Nsa’a et le patriarche Longue Ndong.

Le plateau du centre, occupé également par deux familles avait pour chefs de files le patriarche Njanga Soul (bonaku) et le patriarche Mboum Djock.

Le plateau le plus en amont était quant à lui occupé par deux autres grandes familles dont les chefs étaient Yere Makoumak (sur le plateau Deido) et le patriarche Bong I Dumu (actuel Bonabasem).
Il importe de mentionner que certains chefs de files de ce groupe étaient accompagnés de leur neveux et petits neveux : il s’agit de Nhem Kok le petit neveu de Yere makumack ; Bilong bi Kalack et Nkoma Ntap (Ngoma) les neveux de Nsa’a.

Lorsque Vers 1550 le problème de surpopulation commence à se faire sentir, le patriarche Nsa’a accompagné du patriarche Longue Dong vont traverser le fleuve et s'installer sur la rive gauche connue aujourd’hui sous le nom Bonaberi ou ils furent à l’origine des villages Logmatumb et Sodiko. 

Sur le plateau que ces derniers venaient de quitter sur la rive droite, Nsa’a y a laissé son neveu Bilong qui est aujourd’hui à l’origine des villages Ndogsimbi I & II, du village Bangue, du village Logpom et de la famille Bonabilong plus connu aujourd’hui sur ce plateau sous le nom Bonabelonè. Sans oublier Nkoma, à l'origine du village Ngoma aujourd'hui.

Les fils de longue Ndong restés sur cette rive sont aujourd’hui à l'intérieur des terres à l’origine de la grande famille Ndokotti (nyalla, ndogpassi, Mbogo, Ndokotti), y compris les Lendi, mais aussi les Ngombè qui étaient encore sous le commandement de ce plateau il n’y a pas longtemps encore.

Sur le plateau Bonaku-Ndonga, la descendance du patriarche Njanga Soul est connue aujourd’hui sous le nom Bonaku, encore sur place. Ses autres fils sont aujourd’hui à l’origine des villages Ndogbati, Ndogmbè I & II à l’intérieur des terres. 

Pour le patriarche Mboum Njock, sa descendance restée sur place est connue sous le nom Bonakwangmwang. Ses autres fils sont à l’origine du canton Ndonga vers l’embouchure de la sanaga, mélangés à quelques familles bakoko. Trois de ses petit fils sont à l’origine de trois lignages dans différents villages bassa du Wouri (Ndogbati et Logbissou) et du canton bakoko (Ngodi Bakoko).

Sur le plateau Ndogbaken où on retrouvait le patriarche Yere Makumack et son neveu Nhem, ces derniers sont en dehors de leur lignages restés sur ce plateau à l’origine des villages Lobissou, Lobahba, Bonaloga, Ndohem I, Ndoghem II, Nkotto, et une partie du village Bonagang. Au fond du plateau où on trouvait le patriarche Bong, ce dernier y a laissé ses fils dont certains vont, en dehors de Sem (Bonabasem resté sur place), se retrouver à l’intérieur des terres où ils forment aujourd'hui la grande famille Ndogbong (Makkepè I, I & II, Makeppè missogè, Bedi, malangue, Bipanda, Ndogbong).

Des bakoko que les Bombèdi évoque dans leur récits, il s’agit de Ngoubou, le frère de la première femme de Nwanè (mwanè), aujourd’hui à l’origine du village Bonamoussadi par son fils Mwanè (nu sadi) et de Dibam, le beau-frère de Dihen di Bong, aujourd’hui à l’origine des Yadibam à Bonamwang. 

Sur ces familles Bakoko, Maurice Doumbè Moulongo (in "Origines et migrations des Duala" 1968) souligne :

« Quant à la souche Bakoko, rencontrée sur place à l’époque par les douala, elle ne semble pas avoir bougée de ses positions premières. A l’inverse des Bassa, les Bakoko renoncèrent à abandonner la terre de leurs ancêtres. De plus leur groupe fut grossi, il y a presque un siècle, par de nouveaux éléments venus des villages de Yasem et de Bonmatêkè, à la suite d’une dissension grave survenue entre eux et leur chef dans une affaire de sorcellerie » (Doumbè Moulongo, "Origines et migrations des Duala" 1968 p.133).

Il circonscrit d'ailleurs ces familles à Akwa en ces mots : « Quoique les foyers desdits Bakoko soient assez bien délimité dans le canton d’Akwa, et que les intéressés soient demeurés à ce jour extrêmement solidaire entre eux à quelques sous quartier Akwa qu’ils appartiennent. (Doumbè Moulongo, migration des douala p.133).

Pour ce qui est des familles qui forment le canton Bakoko dans le Wouri, celle-ci sont arrivées dans la région vers 1700 en provenance de la basse Sanaga et ont occupées la rive gauche de la dibamba jusqu’à la limite de Bonepoupa. Ce sont les Allemands qui les recasent à cette embouchure pour mieux les contrôler. A leur sujet, Doumbè Moulongo rapporte :

« Le rameau Bakoko de Japoma et Yansôki ne paraît pas avoir émigré à partir de Douala, mais plutôt de la région d’Edéa et de la basse-Sanaga, où se rencontrent encore leurs frères ». (Source : Doumbè Moulongo « origine et migration des Douala » Abbia juin 1968 n°20.).

Quant aux deux familles nucléaires Bombèdi qui intégrèrent le groupe bassa en 1578, il s’agissait des fils de Bonjongo (plus approfondie (4 fils)) et la famille d’Ewalè (un seul fils). Les descendants de ces deux patriarches sont aujourd’hui à l’origine des Bonjongo dont la majorité s’est retrouvé sur la rive gauche en laissant les bonanjo sur place. Les Bonewalè installé à Akwa Nord et relativement insignifiant ont gardé leur position initiale pour longtemps avec cependant des légers glissements.

Par manque d’espace, je n’évoquerais pas ici toutes les familles qui ont intégrées le groupe bassa à partir du 18e siècle à l'exception des Bonabekombo, dont l’ancêtre Toki (Etokè) est venu de Yasoki, sans oublier l’ancêtre des Bonagang et des Bonebong, arrivé un peu plutôt de Dibongo, et connu sous le nom Moulongo.

Après ce brillant exposé sur les familles autochtones qui occupent aujourd'hui cette ville et leur occupation du sol, il est important que je m’attarde sur les raisons qui justifient les multiples mouvements de ses populations en interne que chacun par ignorance interprète à sa manière, pour mettre ainsi un terme aux spéculations.

Sur cette question pertinente, les membres du groupe douala ne s’accordent pas sur le moment ou l’époque où ces familles quittent les berges et sur les raisons de leur départ. Pour une petite tranche de la population de ce groupe, les bassa ne maîtrisant pas l’eau ont vécu de tout temps à l’intérieur des terres et auraient cédé les bords du fleuve aux nouveaux venus. D’autres arguent que c’est par la force, le nombre et la ruse que les Bombèdi ont délogé les bassa'a, les premiers occupants de leur terre. Non seulement nous sommes maintenant fixé sur leur nombre, quant à leurs prétentions tendancieuses.

 Doumbè Moulongo rapporte :
« Certains documents disent que les Douala chassèrent les Bassa ou les Bakoko, les rejetant sur les terres de l’arrière-pays. D’autres parlent d’occupation pacifique. A notre avis, les termes chassé et rejeter sont tous deux à la foi inexacts et impropres. Quant à leur caractère tendancieux, il est clair …. Et regrettable ! » (Doumbè Moulongo, op cit.  p.129).

Pour la majorité des bassa, c’est l’insalubrité des Bombèdi recueilli par leurs ancêtres qui justifie leur présence aujourd’hui sur les hautes terres. C’est ainsi qu’en parodiant Doumbè Moulongo, je dirais que bien que cette thèse renferme des éléments vrais mais mal interprétés, elle est toute aussi inexacte et impropre. Car ce n’est pas plus de 300 ans après leur intégration que les bassa auraient subitement découvert que les deux familles Bombèdi recueillies étaient sale et abandonnent ainsi leurs terres.

Cette thèse autant que celles qui circulent au sein du groupe douala est la conséquence de la mauvaise lecture de l’histoire de cette région qui ignore l’époque ou les bassa qui forment le canton bassa quittent les berges et le poids numérique des Bombèdi au moment de leur intégration dans le groupe bassa et au moment où ces lignages quittent les bords du fleuve Wouri. Car il faut bien le dire, toutes les familles aujourd’hui à l’intérieur des terres ne quittent pas les bords du fleuve au même moment et tous leurs éléments n’abandonnent pas les rives (chaque village à l’intérieur a laissé au moins un lignage sur la rive). La preuve, de toutes les raisons évoquées, c’est la surpopulation qui justifie tout les mouvements des populations que cette ville a connues.

Et sur cette question, commençons par le commencement ! Car c’est sur le plateau Ndogbakalack (Joss) qui est justement le plus petit que le problème commence à se faire sentir et qui justifie la traversé des patriarches Nsa’a et Longue (Bwam) sur la rive gauche (Bonaberi) au 16e siècle. Le temps aidant, les familles les plus approfondies en seront les premières et les plus grandes victimes. C’est ainsi que le petit espace concédé au fils de Bonjongo devenant exigu pour ses quatre lignages, deux vont traverser le Wouri au 17e siècle à la suite des patriarches Nsa’a et longue et s’installer à la limite du mongo. Le troisième lignage va rejoindre les deux premiers dans la première moitié du 20e siècle, laissant sur place les descendants du premier fils de Bonjongo dont les Bonanjo sont les descendants.

Au fil des siècles, la promiscuité va s’inviter. Facteur de stress, d'épidémies et d'insalubrité (qui justifie la thèse bassa), celle-ci fut aggravée par la concurrence commerciale. Tout ceci fut à l'origine d'une grande fracture sociale, qui va, non seulement déboucher sur une crise d’autorité, mais décider un bon nombre de famille Bassa'a à abandonner les rives pour l’intérieur des terres, plus paisible, et indiqués pour les amoureux de liberté et des grands espaces. 

Le départ massif des familles bassa à l’intérieur des terres durant les dix dernières années de règne de Ngando en équilibrant les forces des deux familles les plus en vue de la région (les Bonaku et les Bonanjo), à la mort de ce dernier, celles-ci vont se neutraliser aggravant la situation. C’est ainsi que la ville va basculer dans l’anarchie. Une situation qui va aboutir à l’appel au secours des chefs de ces deux familles (la ville étant devenue ingérable), adressé au chef du Gouvernement anglais Gladstone, qui en est une preuve évidente : Fleuve Cameroun, Afrique de
L’Ouest 6 novembre 1881

"Nous deux, vos serviteurs, nous sommes réunis cet après-midi pour vous écrire ces quelques lignes, espérant qu'elles vous trouveront en bonne santé comme elles nous laissent à présent. Ayant appris ici que vous êtes l’homme principal de la chambre des communes, nous vous écrivons pour vous dire que nous désirons être sous le contrôle de sa Majesté. Nous désirons que notre pays soit gouverné par le gouvernement Anglais. Nous sommes fatigués de gouverner ce pays nous-mêmes ; chaque dispute amène une guerre et souvent une grosse perte humaine, aussi pensons-nous que le mieux est de vous remettre ce pays, à vous les Anglais, qui sans doute apporterez la paix, la civilisation et le christianisme dans le pays.

Faites-vous la grâce d’exposer notre requête à la Reine et aux chefs du Gouvernement anglais. De grâce, Monsieur, veuillez nous assister dans cette importante entreprise. Nous avons appris que vous êtes un bon chrétien, de sorte que vous ferez tout ce qui est de votre pouvoir afin que notre requête soit agréée. Nous sommes entièrement disposés à abolir toutes nos coutumes païennes.

j'espère que vous prendrez ce sujet en profonde considération et ferez ce que vous pourrez, pour l’amour de Dieu, pour veiller à ce que notre requête soit entendue. Sans doute, Dieu vous bénira pour mettre une lumière dans notre pays.

Veuillez nous envoyer une réponse aussi vite que vous pourrez.

Avec nos respects, nous sommes…

King Akwa et King Bell

Puisque tout est dit, je tiens cependant à souligner que si notre futur est la conséquence de notre passé et de notre présent, il est important pour nous de nous rapprocher le plus près possible de notre histoire pour éviter les erreurs d’hier. C’est pour cela que nous devons être fidèle dans la consignation de notre histoire.

Certains pourront une fois encore par ignorance, accuser les acteurs de cette époque d’avoir vendu le pays, alors que le problème est plus profond, en relation avec la nature de l’homme bassa, qui s'oppose à toute autorité, car c’est de ça qu’il fut question.

En effet, organisé autour d'une fédération qui tournait autour des quatre plateaux de la ville connus à l'extérieur sous le nom "regnum biafra" et dont le Ngondong (Ngondo) était l’organe collégial de régulation, c’est l’absence à cette embouchure d’une autorité centralisée forte, qui justifie l’appel des chefs autochtones de cette ville, et qui va aboutir à la signature du traité et à la confiscation du Cameroun par l’Allemagne.

Aussi, pour comprendre la naissance du Cameroun, il faut maîtriser la vraie histoire de la ville de douala, mais aussi la nature de l’homme Bassa qui s’oppose à toute autorité dont l'explication est à rechercher dans le passé millénaire de ce peuple.

Pour entrer en profondeur dans cette histoire de la ville de douala et du Cameroun, lire mon livre « Enjeux et Évolution politiques au centre de l’Afrique, du 15e au 21e siècle, le cas du Cameroun : du royaume Biafra au Renouveau » Edilivre France 2015.

Pour que nul n’en ignore. Votre frère Ekwe Mardochée Roger.


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